« JE VOYAIS L’ALCOOL COMME UN MOYEN DE PRENDRE SOIN DE MOI, ARRêTER M’A PROUVé LE CONTRAIRE » - TéMOIGNAGE

TÉMOIGNAGE - J’ai bu mes premiers verres d’alcool à l’adolescence, comme une forme d’expérimentation. À la vingtaine, ma consommation est devenue plus sociale : je sortais le soir avec mes amis dans des bars ou des boîtes de nuit.

Durant la trentaine, mon rapport à l’alcool est devenu plus solitaire. Au fil des années, les gens avaient des familles et des enfants, et je sortais moins, mais mon conjoint et moi avions plaisir à ouvrir une bonne bouteille au dîner.

J’ai commencé à boire presque quotidiennement, mais je ne me suis jamais dit « j’ai un problème d’alcool ». Je me répétais plutôt « j’aime les bonnes choses, je suis épicurienne ». Aujourd’hui, j’ai 42 ans et il y a trois ans, le premier septembre 2020, j’ai arrêté de boire de l’alcool. Je mûrissais cette décision depuis longtemps, et la mettre en œuvre a été une libération à de nombreux égards.

Le verre de vin du soir, symbole de relaxation

Je suis de la génération Sex and the City qui a longtemps vu le verre de martini comme un symbole de réussite sociale, l’alcool comme le signe qu’on est une entrepreneuse à succès, une vraie adulte. Dans les films ou dans les séries, on voit régulièrement cette image de la femme accomplie qui rentre chez elle après une longue journée et qui boit un verre de vin pour souffler.

C’est à ça que ressemblait beaucoup ma consommation d’alcool pendant les dernières années. J’étais sans cesse occupée et le soir, en rentrant, l’alcool me semblait être un moyen de prendre soin de moi, de me relaxer. Je buvais du vin, mettais de la musique, et tout ce qui pouvait m’accabler au quotidien semblait avoir moins d’importance. J’avais l’impression de retrouver un peu de liberté.

C’est assez pernicieux – on ne commence jamais par boire trois bouteilles de vin par soir. Au début, c’était un verre de temps en temps jusqu’à ce que, petit à petit, l’alcool devienne une béquille sur laquelle je m’appuyais, puis un automatisme. J’ai toujours été très fonctionnelle, et je n’ai jamais eu de problème à ne pas boire pendant plusieurs jours.

Mais le temps passant, j’ai commencé à trouver que les quantités que je buvais étaient trop élevées pour mes propres standards et que l’alcool commençait à prendre un peu trop d’importance dans mon quotidien, à me fatiguer. Il y avait une petite voix dans ma tête qui disait « il faudrait ralentir, prendre une pause », et qui s’est faite de plus en plus forte. J’ai arrêté de boire une première fois.

L’incompréhension de l’entourage quand on arrête l’alcool

Il y a sept ans, j’ai arrêté de fumer. Quand je l’ai annoncé, tout le monde m’a soutenue et félicitée. Mais quand j’ai arrêté l’alcool pour la première fois, en 2016, les réactions ont été très différentes. Mes deux premières années de sobriété ont été difficiles : je n’avais pas d’aide, et personne avec qui en discuter. Tous mes amis buvaient encore de l’alcool, et ne comprenaient pas pourquoi j’arrêtais. On me répétait « mais tu n’as pas de problème », probablement parce que mon arrêt les confrontait à leur propre consommation. L’effet miroir était fort, puisque si j’estime que j’ai un problème d’alcool, que nous sommes amis, et que nous buvons les mêmes quantités ensemble, cela sous-entend que l’autre a un problème aussi. Pourtant c’était un choix très personnel sans jugement sur les autres.

C’est en cela que c’est devenu difficile. À Montréal, où je vis, comme dans beaucoup d’autres endroits, l’alcool est extrêmement banalisé. Être saoul une fois par semaine ne choque pas grand monde, et lors de rendez-vous amicaux, amoureux ou professionnels, boire des verres est plus que courant. Refuser les spiritueux peut vite devenir excluant.

Après deux ans d’arrêt, j’ai décidé de recommencer à boire de temps en temps. Cela a fonctionné un petit moment, mais quand la pandémie de Covid-19 a frappé et que nous nous sommes retrouvés confinés, ma consommation est redevenue très intense. Prenant conscience des difficultés que la crise sanitaire allait apporter, notamment dans ma vie professionnelle, j’ai décidé d’arrêter à nouveau pour pouvoir me consacrer à 100 % à mon entreprise. L’isolement créé par le confinement m’a beaucoup aidée à solidifier ma décision en prenant mon temps, sans regard extérieur. Aujourd’hui, cela fait un peu plus de trois ans que je n’ai pas retouché à une goutte d’alcool.

Depuis que j’ai arrêté de boire, mon cercle d’amis a changé

En trois ans, la sobriété m’a amenée à réorganiser complètement ma vie. D’abord, parce que sociabiliser sans alcool est une réalité tout à fait différente. Depuis que j’ai arrêté de boire, mon cercle d’amis a presque complètement changé. En étant sobre avec des personnes avec qui je ne partageais que le fait de « boire des verres », j’ai pris conscience que je n’avais plus de point commun avec elles, par exemple. Mais pour moi, c’est une très bonne nouvelle ! Ne pas boire d’alcool, c’est aussi être plus présent pour les autres. Aux repas de famille comme avec mes amis, j’ai des conversations bien plus profondes, qui ne sont pas teintées par le voile que l’alcool peut mettre entre les gens.

Mon conjoint est dans son propre processus et pour lui, c’est plus nuancé. Il a de longues périodes d’abstinence, et des périodes où il boit. J’avoue préférer les moments où nous sommes sur la même longueur d’onde, mais je respecte le cheminement qui lui est propre et sa relation avec l’alcool. Il comprend que l’alcool n’est pas un prérequis pour avoir du plaisir, et je pense qu’il est fier de ma démarche.

Pour partager ce vécu, j’ai créé un cercle de parole pour les femmes sur l’arrêt de l’alcool, qui m’a permis de rencontrer tout une communauté de personnes qui avaient arrêté aussi. Ensemble, nous sommes solidaires et travaillons à montrer que la sobriété, ce n’est pas la fin de la vie sociale ça peut aussi être heureux, et épanouissant.

Je profite des avantages d’avoir arrêté l’alcool : je suis plus en forme, ma peau est plus belle, j’ai plus d’opportunités parce que j’ai l’énergie de faire des projets que je mettais de côté. Depuis que j’ai arrêté, j’écris, j’ai repris mes études, j’ai lancé les choses que je mettais de côté depuis longtemps. Bien sûr, il n’y a rien de magique et la vie, de manière générale, n’est pas parfaite. Mais désormais, même les moments difficiles me semblent plus faciles à affronter sans alcool.

Pourquoi je refuse les étiquettes liées à l’alcool

Pendant longtemps, le mot « alcoolique » m’a stoppée dans mes envies de sobriété. Je me disais « je ne suis pas alcoolique, donc je n’ai pas besoin d’arrêter ». Les stéréotypes accolés au terme, couplé avec la banalité de la consommation d’alcool m’ont empêchée de me poser les bonnes questions. Quand j’ai commencé à me demander « Est-ce que le fait de boire de l’alcool a des conséquences dans ma vie ? » et « Est-ce que ma vie serait plus agréable sans ces conséquences ? », j’ai trouvé des raisons d’arrêter.

Les réponses seront différentes pour chaque personne, et mon parcours n’a pas vocation à être universel : il me concerne. Mais la sobriété a été un vrai socle pour bâtir une vie dans laquelle je me sentais bien, et j’espère que mon discours pourra parler aux personnes qui se posent des questions, ou qui ont envie de s’en poser - et d’être honnêtes avec eux-mêmes.

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